Entretiens Immigration Quartier des Glacis 4 (1997)

 

Mme H. « immigrée » originaire du Nord et son compagnon.

 

Vous venez de Belgique?

Non, du nord de la France. De Wattrelos. Sur la frontière belge.

Comment êtes-vous arrivée à Belfort ?

J’ai suivi ma sœur. J’avais onze ans.

Comment c’était là-bas ?

C’était les corons dans une Zup. Un quartier de petites maisons collées les unes aux autres. Avec un petit jardin derrière. Il y avait beaucoup de gens qui travaillaient dans le textile mais aussi des médecins.

Que faisaient vos parents ?

Ma mère était "soigneuse", mon père travaillait dans une usine. C’était une usine qui fabriquait des tapis pour les gymnases.

Les gens qu’on a rencontrés jusqu’à présent sont venus en France parce qu’ils n’avaient pas de travail, mais vous, pourquoi avez-vous quitté Wattrelos ?

Parce que j’ai perdu ma mère suite à une crise d’épilepsie. C’est ma grande sœur qui m’a élevée. Elle habitait Belfort. Aux Résidences. Elle avait suivi son mari.

Quelle impression cela fait de quitter un quartier qu’on a habité pendant son enfance ?

J’étais contente de venir ici. De rejoindre ma sœur. C’est mon père qui m’a emmenée.

Comment imaginiez-vous Belfort ?

J’en avais jamais entendu parler. Quand je retourne là-bas et que je dis que j’habite Belfort, il me demande : « c’est où ? » Ils savent que c’est dans l’Est, pas où c’est exactement. Même le Lion de Belfort, ils ne connaissent pas. Ils connaissent la Suisse.

Quand on arrive ici, quelle impression ça fait ?

Ce qui était étonnant, c’est les fortifications et les tours. A Wattrelos, on ne voit pas des blocs de quinze, vingt étages.

A Wattrelos, il y avait des mineurs ?

Oui, il y avait des mines de charbon. Mon père livrait du charbon. Mais je ne sais pas si mon grand-père était mineur. Je n’ai pas connu mes grands-parents.

Depuis combien de temps vous êtes aux Glacis ?

Depuis dix ans. J’ai envie de partir. Dans un quartier différent. J’aimerais  repartir dans le Nord pour revoir ma famille.

Et voyager ?

J’aimerais aller en Grèce.

Intervention du compagnon de Mme H. : Moi j’aimerais aller en Italie, parce que mon père était italien. Il est venu en France à cinq ou six ans. Il comprenait un peu l’italien. C’était juste après guerre. Il a habité Beaucourt où il a connu ma mère. Je ne sais rien du tout de ce qu’il a fait avant. Je ne sais même plus de quelle région d’Italie il venait… C’est un voyage que j’aimerais faire un jour.  J’aimerais voir les villes, les monuments.

Qu’est-ce qu’il reste de l’Italie pour vous ?

Rien. Sauf ce rêve, voir où mon père est né, voir où il vivait.

Qu’est-ce qu’il faisait ?

Il travaillait à l’entretien chez Peugeot.

Il ne parlait jamais de l’Italie ?

Il en parlait avec des gens d’origine italienne. Mais avec nous non… On n’en parlait pas. Il nous a peut-être dit des choses quand on était gosse, mais sans que ça aille plus loin. Je pense qu’il a dû venir avec ses parents. Il n’est jamais retourné en Italie. Il faisait ses papiers pour avoir un passeport, retourner voir ses frères et sœurs, à sa retraite. Il n’a jamais pu. Il est décédé il y a sept ans. 

Ce qui est étonnant, c'est qu'il n'ait pas eu envie de transmettre à ses enfants...

Oui , c’est ça. Mais lui non plus, il n’a pas connu beaucoup l’Italie. Parfois il disait des mots en italien. Il parlait un peu quand il était avec des italiens.

La discussion se poursuit à propos des voyages.

En fait, vous ne bougez pas beaucoup, à part aller à Wattrelos?

Lui : Quand on peut. On n’a pas de voiture. On ne peut pas se permettre… Pour l’instant, on n’a pas de boulot.

 

enfants jouant cités

 

 

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