Article paru dans l'Est Républicain du 18 mars 2017.

Article paru dans l'Est Républicain du 18 mars 2017.

« Le théâtre du Royaume d’Evette a 30 ans. La troupe, née dans une cave, par temps d’orage, joue… dans les villages. En tournées. Au plus près des clochers. Avec un répertoire éclectique, ancré dans une veine sociétale. « Après Meroux en février et avant Châtenois-les-Forges en avril, nous allons jouer notre dernière pièce à Belfort les 18 et 19 mars », annonce Denis Rudler. Auteur et metteur en scène, il signe cette « Veuve grise » dont le rôle principal est tenu par Magali Ganzer, rejointe par Cédric Bordas et Alexis Sesmat.

Dernière occasion, donc, à Belfort, de voir cette pièce qui tourne depuis un an, de Rougemont-le-Château à Riquewhir, où elle figurait à l’affiche du Festival des Trois coups. Présentée après deux courtes pièces qui, elles aussi, évoquent le rapport au travail. « Nous abordons le chômage dans la première, l’absurdité administrative dans la seconde.» 

La pièce principale, elle, met en scène un couple dont le mari travaille « ailleurs ». Sa femme est « veuve grise » la semaine. « Sa rencontre avec un peintre en insertion, personnage déclassé et singulier, qui va semer le trouble dans la vie monotone de Nathalie et perturber sérieusement sa relation de couple ». 

On rit, bien sûr. Mais c’est un drame. « Au théâtre d’Evette, nous aimons la théâtralité. Il ne s’agit pas d’une farce, ni d’un théâtre de boulevard, mais de montrer, avec les astuces du théâtre, un fait de société qui reste, à la fin, ouvert à l’interprétation des spectateurs » résume Denis Rudler. 

Depuis trente ans, il écrit les pièces jouées, et en propose, issues des écritures contemporaines. « Nous essayons de varier les styles et les esprits, tout en restant ancrés dans le théâtre militant, de société », ajoute Karel Trapp, lui aussi un fidèle des premières heures.

Le théâtre du royaume d’Evette, installé Cité des associations à Belfort grâce au local mis à disposition par la Ville, a ses fidèles. Si le noyau dur tourne autour d’une dizaine de comédiens, ils passent à cent si nécessaire. « Nous avons construit un beau réseau depuis notre création ». Qui s’active par exemple à l’occasion des rencontres théâtrales du Pas de Côté. Le Théâtre du Royaume d’Evette aime cette rencontre qui fait converger les centaines de comédiens amateurs que compte le Territoire de Belfort. « Le Territoire a une spécificité culturelle. Belfort, en mettant des lieux à disposition, a favorisé la création et la vie des troupes » qui, malgré les difficultés financières, tiennent coûte que coûte à monter sur les planches. 

Le Royaume d’Evette, initialement militant, a continué à montrer des situations sociales, à protester. De la grande grève Alstom à la nécessité de devenir écolo, ou de faire vivre un quartier. « Notre auteur étant aussi notre metteur-en-scène, nous avons un avantage sur les autres », sourit Karel Trapp : « On a les explications de texte sous la main ». L’étiquette sociale demeure, même si le théâtre engagé a changé. « Nous continuons à monter des pièces susceptibles de nourrir un débat », poursuit-il. Les comédiens travaillent actuellement à un théâtre forum avec Solidarités Femmes et la Ligue des droits de l’Homme destiné aux collèges. Ou comment ouvrir les consciences quand les moyens manquent et que l’individualisme explose.

Le théâtre, lieu d’expression, lieu de rencontre du vivant, continue à attirer. « Nous recevons beaucoup de demandes d’intégration à la troupe, mais nous n’avons pas d’ateliers de formation », notent les comédiens amateurs du Royaume d’Evette. Créer une pièce tous les 18 mois, depuis 1977, prend déjà un temps considérable. « La gestion du temps est devenue un point délicat dans notre société où l’impact du travail prédomine ». Les jeunes adultes sont mutés, ou dévorés par leur emploi. Le monde du travail : une source d’inspiration inépuisable… tout comme le couple, ou les nouvelles technologies. »

Christine Rondot.

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