Les arts plastiques sont faits pour durer. Au contraire, le théâtre est un art éphémère, il vit et meurt au gré des représentations. Jouer une pièce de théâtre dans une école d’art a quelque chose de réconfortant. Le théâtre y grappille quelques miettes d'éternité, d’autant plus que l'école en question est située dans un ancien bâtiment militaire construit contre un ouvrage de défense capable de résister aux obus de 155, c’est-à-dire pour des siècles. L’ouvrage est dénommé « corne de l’Espérance », ça ne s’invente pas. Les militaires ont parfois de l’humour (il y avait des jardins dans les parages: les jardins de l’Espérance).
Les ateliers de peinture, sculpture, graphisme…, sont installés dans de grandes salles voûtées. On s’interroge : que pouvaient-elles contenir vu l’épaisseur des murs ? Des armes, des munitions, du pinard, de la farine ? Il y a un centre chorégraphique à proximité. Le bâtiment qui l'abrite était un magasin à fourrage. Le rapport entre la danse et l’avoine n’est pas évident. Il existe bien une ronde de l’avoine, c’est un chant dansé breton et c’est à l’autre bout du pays.
On repousse les chevalets et on s’installe. Des oiseaux empaillés observent de leurs yeux vitreux l’étrange agitation de ces individus sans palette ni pinceaux qui tendent des toiles (en tissu ignifugé) et fixent des projecteurs. Quant aux bustes et aux statues en plâtre, coincés entre les chevalets et des étagères, ils regardent ailleurs, figés dans un mutisme de marbre. La lumière qui arrivait par une large baie vitrée passe du jaune au rouge et s’estompe lentement. La lumière, cette composition du temps et l’espace, ce mantra quantique des peintres et des éclairagistes de théâtre.
L’école est vaste, la représentation a lieu dans une salle à l’extrémité du bâtiment, au premier étage. Des spectateurs arrivent, hésitent, impressionnés par ces grandes salles où flottent dans la pénombre, tels des feux follets, les fulgurances des esprits bien inspirées.