La ville de Belfort a refusé d'attribuer une subvention au théâtre du Royaume d'Evette pour l'année 2010 au motif que :
"...l'annonce des profondes réformes fiscales fait peser sur nos recettes fiscales une incertitude qui nous contraint à une nécessaire prudence ainsi qu'à des arbitrages inévitables ".
Ayant eu tardivement connaissance de ce refus, le Royaume d'Evette a adressé une lettre au Maire de Belfort.
Voici cette lettre:
Monsieur le Maire,
Nous accusons réception aujourd'hui seulement de votre courrier daté du 22 avril 2010 nous informant de votre refus de nous verser une subvention pour cette année. Visiblement, un problème d'acheminement du courrier semble être à l'origine de ce décalage, sans quoi nous aurions bien évidemment réagi plus tôt.
Vous évoquez la responsabilité de l'Etat pour justifier votre décision. Vous savez que d'autres collectivités vivent les mêmes difficultés ; le Conseil Général du Territoire de Belfort, par exemple. Celui-ci, après un effort d'information en direction de l'ensemble du milieu associatif, a décidé de faire porter par toutes et tous le désengagement de l'Etat. Il s'en est suivi une baisse de 10 % des subventions de toutes les associations. L'effort est partagé, collectif, plus facile à surmonter pour le monde associatif. La décision nous semble assez intelligente et devient donc incontestable.
De votre côté, vous avez décidé, non pas de répartir "la très sérieuse affectation des ressources financières de la Ville de Belfort par la baisse des donations de l'Etat" mais de la faire porter par quelques-uns. Nous avons bon espoir que l'économie de 1500 euros réalisée en supprimant la subvention du Théâtre du Royaume d'Evette permettra de consolider les ressources financières de la Ville de Belfort.
Ceci-dit, au lieu de réduire de façon solidaire nos moyens, ce que nous aurions compris à l'occasion d'un échange honnête avec les citoyens que nous sommes, vous nous supprimez notre moyen d'existence. Et cela nous interroge gravement. Nous ne pouvons nous empêcher de penser, sans paranoïa excessive, qu'il en va de la volonté délibérée de fragiliser notre compagnie, forte de ses 32 ans de pratique théâtrale sur Belfort et sa région, et de s’en prendre par la même au spectacle vivant que nous représentons, inscrit dans la réalité de la vie quotidienne et engagé de longue date dans de nombreux mouvements sociaux.
De fait, nous nous interrogeons quant aux motivations réelles qui ont présidé à cette décision. Le refus de votre adjoint de nous rencontrer malgré de nombreuses demandes, son indifférence par rapport au collectif d’organisation du Pas de Côté alors que nous l’avions officiellement invité à cette manifestation ou, encore, ses préventions à l’encontre du contenu des « Pièces en Vrac » que nous vous avions proposées de présenter à l’Hôtel de Ville, nous autorisent à penser que nous sommes victimes de nos choix artistiques autant que politiques (il est vrai que nous avons assez peu d’appétence pour les activités mémorielles et que nous sommes résolument tournés vers les problèmes contemporains – cf. nos interventions en partenariat avec la Ligue des droits de l’Homme, dans le cadre de la campagne « Urgence pour les libertés » du printemps 2010).
Comprenez que l'ensemble de ces éléments nous incitent nous aussi "à une nécessaire prudence". Nous souhaitons donc vivement vous rencontrer afin d'échanger amicalement avec vous sur les liens que vous souhaitez entretenir avec notre compagnie et le spectacle vivant, ainsi que sur la liberté d'expression artistique.
Nous prendrons l'attache de votre cabinet afin de solliciter un rendez-vous avec vous, si possible avant arbitrage sur l'attribution de subventions aux associations à caractère culturel pour l'année 2011.
S’il en était besoin, vous trouverez ci-joint une liste récapitulative de nos créations et de notre investissement pour dynamiser le théâtre amateur local par l'organisation, notamment, de rencontres régulières. Nous précisons qu'il s'agit là d'une part seulement de notre activité.
Dans l'attente du plaisir de vous rencontrer et d'échanger avec vous, nous vous prions de croire, Monsieur le Maire, en l'expression de nos sentiments les meilleurs.