Seigneur, votre nom ne chante plus.
Où êtes-vous Seigneur?
Je pleure vos fils qui meurent.
C'est jour de peine et de folie.
Je suis meurtrie.
Vous nous avez abandonnés Seigneur,
Vous nous avez abandonnés !
Aujourd'hui, nous ne pouvons céder sur rien. Le devoir d'un soldat, c'est d'obéir. Celui d'un officier, c'est d'être devant, avec ses hommes.Croyez-vous que nous condamnons à mort de gaîté de cœur ? Nous aimons nos hommes, nous entendons leurs plaintes, ils meurent à nos côtés.
Mais que voulez-vous de plus? Sommes-nous coupables de ne pas céder ? Quand la mort menace de nous emporter comme des feuilles mortes dans un torrent de boue et de sang, nous feignons de ne pas avoir peur. Nous nous taisons. Voilà la réalité...
Bientôt vous partirez et je resterai seule.
La guerre finira. La vie reprendra comme avant. Vous irez aux chemins de fer et moi je ne retournerai pas à l'école. Comment s'occuper des enfants après ça?
Mes premiers élèves sont partis, combien reviendront? On les éduque, on leur apprend à écrire, à compter, à lire, et finalement: pour ça? Ils sont instruits Ils rêvent d'un monde meilleur et ils tombent en silence dans le vacarme des obus.
A nouveau, la nuit, mes mains glacées chercheront une présence sur des draps en charpie...
De l'autre côté de la frontière, les villages sont paisibles, les hommes tranquilles. Pourquoi eux et pas nous? De quoi sommes-nous coupables? Ont-ils plus le droit que nous de vivre en paix? Si tous les soldats désertaient, il n'y aurait plus de guerre.
Le ciel se couvre de nuées noires.
On voit des ombres planer sur la terre.
Le canon tonne sur les montagnes.
Les rochers éclatés. Les sapins déchiquetés.
Les hommes frappés par des éclairs de feu, broyés par des obus.
Les ventres des mères gémissent.
Les mains se tordent de douleur. Des trainées de sang gèlent sur la neige, le vent emporte les cris.
On les entends d'ici.