Aux jours de fête vont
Friedrich Hölderlin est un poète allemand dont la vie fut partagée en deux périodes pratiquement égales, l'une de 1770 à 1806 et l'autre de 1807 à 1843. Entre elles, une coupure de quelques mois, mais d'une extrême violence : son internement de force à Tubingen dans la clinique du docteur Autenrieth. Avant cet internement, Hölderlin a produit une œuvre poétique qui en fait l'un des plus grands poètes de langue allemande. Outre des poèmes, il a publié un roman, une pièce de théâtre et des textes philosophiques.
Ayant refusé de devenir pasteur, sa vie se déroule dans une relative précarité, entre une intense activité créatrice et des emplois de précepteur. C'est lors de l'un de ces préceptorats qu'il rencontre le grand amour de sa vie, Susette Gontard. Mais le mari de celle-ci mettra brutalement un terme à leur liaison. En décembre 1801, il se rend à pieds à Bordeaux pour un nouvel emploi de précepteur qu'il quitte soudainement, sans doute après avoir appris que sa bien-aimée est malade. Il en reviendra méconnaissable, en proie à des troubles du comportement qui inquiètent son entourage et ne feront que s'aggraver. Susette meurt peu après son retour.
En septembre 1806, il est conduit à la clinique du docteur Autenrieth par un de ses amis. Autenrieth est un médecin qui se pique de psychiatrie. Sa clinique est d’abord une maternité. Une chambre est équipée pour recevoir les malades mentaux. Il a inventé un appareil pour les soigner. C’est un masque en cuir rigide avec deux trous pour les yeux, un pour la bouche. Le malade est bâillonné, les mains sont attachées dans le dos. On retire le masque quand le malade s'est calmé. On lui administre également des "médicaments" qui sont de véritables poisons (belladone, digitale, mercure combiné à l’opium, ...). Après six mois de ce traitement, le poète est brisé. On lui donne trois ans à vivre.
Un ébéniste de Tübingen accepte de l'accueillir dans une tour au bord du Neckar dans laquelle il vivra plus de trente ans. Il y rédigera de nombreux poèmes auxquels il donnera des dates fantaisistes et qu'il signera du pseudonyme "Scardanelli". Devenu un objet de curiosité, on lui rend visite. Il accueille les visiteurs en les appelant "Monsieur le Baron", "Votre Sainteté "ou "Votre Majesté Royale".
La pièce débute au moment de l'internement du poète, elle raconte la confrontation imaginaire entre le poète cherchant désespérément à sauver sa poésie - c’est-à-dire ce qui, en lui, bouillonne encore d’intelligence et de souffrance - et le médecin qui prétend lui rendre la raison comme le lui a demandé sa mère (elle paie la clinique avec l'argent de son fils qu'elle ne reverra jamais).
Pourtant il me semble que souvent Mieux vaut dormir qu’être sans compagnon, Ainsi attendre, impatient, et que faire et que dire ? Je ne sais pas, et pourquoi des poètes en temps de détresse ? (Le Pain et le Vin)